Coupe du monde de football et Ramadan: quel ramdam!

C'est une première depuis l'édition 1986 au Mexique, la Coupe du monde de football qui s'étale du 12 juin au 13 juillet chevauche le mois de ramadan, qui lui débute le 29 juin et durera jusqu'au 27 ou 28 juillet. Lettre ouverte préventive à l'attention de M. Massimo Lorenzi (rédacteur en chef et responsable des sports à la RTS)...

Esther Mamawachi: "Mesdames, Messieurs bonsoir. Doit-on forcer un joueur musulman pratiquant à ne pas faire le Ramadan durant la Coupe du monde pendant qu’il défend les couleurs de sa patrie ou simplement doit-on l’écarter du terrain en anticipant une contre-performance ? A contrario, la pause boisson après 30 minutes jouées dans chaque mi-temps des matchs de la Coupe du monde (afin de contrer les effets de la chaleur) va-t-elle engendrer une inéquité sportive pour les joueurs algériens, nigérians, français et suisses qui feraient le ramadan? Débat dans notre émission Infrarouge de ce soir. A ma gauche, M. Tariq Ramidi, théologien musulman et champion du triple saut à dos de chameau. A ma droite, M. Hans Zen Zuffinen, avocat et champion de feuilles volantes à l'UEFA..." (ahah)

La question "Les joueurs vont-il jeûner ou non?" vient de passer en tête du hit-parade des préoccupations des médias francophones, bien devant la question des retraites, du chômage, du logement, de l'endettement public, etc. (sic!)

Cette caricature (ci-dessus) d'un débat imaginaire sur un plateau de télévision aimerait simplement vous sensibiliser sur les proportions qu’est en train de prendre cette histoire de ramadan dans les médias français durant cette Coupe du monde de football. Avec des titres très accrocheurs :

- Le dilemme du Ramadan en pleine Coupe du monde (Le Figaro.fr, 27 juin)

- Les Algériens à l’épreuve du Ramadan (Libération, 25 juin)

- Le Ramadan va-t-il tout fausser ? (metronews.fr, 29 juin)

Vous comprendrez qu’il sera très facile pour certains le moment venu de glisser, en cas de contre-performance de ces joueurs de confessions musulmanes (et surtout appuyé par une défaite de son équipe), vers un bouc-émissaire déjà tout trouvé... à contrario se réfugier derrière cette excuse....

Joli le sondage du Point, n'est-ce pas? On appréciera le timing. Le 29 juin, 1er jour du Ramadan et 24 heures avant le match France-Nigéria avec des joueurs d'origine algérienne dans la sélection française...

J'ai toute confiance en votre sens de la mesure et votre capacité d'analyse des répercussions d'un débat sur la population, c'est votre métier et pour vous l'expérience, mais je pense qu'éviter d'en faire, de ce côté-ci de la frontière, un débat énorme et répétitif pointant un « problème » insoluble quant à la performance des joueurs serait adéquat et bienveillant. Qui plus est, selon mon point de vue, ce n'est pas un problème pour un entraîneur en place, tout au plus une donnée à prendre en compte. Selon des témoignages de sportifs professionnels pratiquants basés sur un vécu des années précédentes dans le cadre de compétitions, aucune baisse réelle de résultats durant le mois de jeûne n'a été détectée hormis les très longues distances tel que le marathon. Voir ici les travaux du docteur Hakim Chalabi, ancien médecin du PSG, devenu l’un des référents de la FIFA en ce qui concerne le jeûne chez les footballeurs, et de la clinique Aspetar au Qatar.
 
Les joueurs sont habitués et adaptent leur alimentation, hydratation et sommeil en conséquence. On peut interpréter cette constance dans les performances par le fait que ce qui est perdu en termes biologiques, est gagné en termes psychologiques. Certains parlent de transcendance de la part des joueurs. Par contre, si un joueur ne fait pas l’effort de s’adapter, là il y a souci et risque de blessure en augmentation, voir un danger pour la santé. De toute façon, je présume que très peu de joueur le feront le jour du match. Ils récupéreront ce jour (voir tous les jours de ce tournoi) après cette Coupe du monde. En effet, les joueurs sont considérés « en voyage » donc la religion leur permettent de repousser. Ceci, même si publiquement ils pourraient insinuer le pratiquer. Donc, c'est un non-débat ou alors mieux vaut en minimiser sa portée. Plus librement, je dirais que j'en m'en fiche de savoir qui est musulman ou non dans ces équipes, et qui le fait ou pas. On ne devrait même pas en parler. Ils sont footballeurs, leurs régimes alimentaires c'est leurs "problèmes"... Si je prends les médias francophones dans son ensemble, on parle bientôt plus de ramadan des joueurs musulmans que d'inégalités sociales au Brésil… Qui sont les plus à plaindre?

Cependant, si l'Algérie gagne son huitième de finale face à la Mannschaft alors que les Fennecs auraient jeûné le jour du match, je n'ose imaginer la première page du journal allemand Bild le lendemain... Les musulmans pratiquants s'en lécheraient les babines, peu importe l'heure qu'il sera...

Meilleures salutations et merci pour la très bonne couverture de ce mundial.

Nour El Mesbahi