mercredi 16 juillet 2014

Israël-Palestine: l’opération "Bordure protectrice" et les morts de Gaza en 10 bonnes questions

Adolescent, mon père me disait toujours: « Ne réponds jamais à une question mal posée, demande qu’il reformule ou reformule toi-même ». Ainsi, je vais tenter modestement de me poser les « bonnes » questions sur le conflit israélo-palestinien et les centaines de morts palestiniens qui résultent aujourd’hui de l’opération militaire israélienne nommée « bordure protectrice » (juillet 2014). Questions volontairement naïves parfois, rhétoriques souvent, non exhaustives surtout, elles se veulent à la fois le résultat et le préambule d’une réflexion critique plus vaste.

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Les deux États, c'est pour quand? On attend toujours...

1) Si le gouvernement israélien actuel est à la tête d'une puissance militaire et d'une immunité politique sur le plan international, lui permettant d'imposer de façon unilatérale à n’importe quelle organisation politique palestinienne tout autant la guerre que la paix, pourquoi choisit-elle la "guerre"? Pourquoi à chaque fois qu’une légère tendance vers le pragmatisme se fait jour chez le Hamas et l’OLP avant elle (imposée par la situation politique ou par une baisse des ressources dans leurs budgets), pouvant potentiellement déboucher sur une perpétuation du calme, sur une future négociation avec Israël ou sur une réconciliation Hamas-Fatah, les «circonstances» faisant (assassinat d’Yitzhak Rabin par un extrémiste israélien, visite de Sharon sur l’Esplanade des Mosquées, assassinat de trois adolescents israéliens, etc.) les hostilités reprennent ? Qui a réellement intérêt à la paix?

2) Peut-on invoquer le droit à l’auto-défense lorsque l’on ne se soumet pas soi-même au droit international (innombrables résolutions de l’ONU non respectées par les gouvernements israéliens successifs)? Pourquoi la communauté internationale (l'administration Obama en tête) ne s’appuie pas sur ces violations de résolutions pour imposer à travers l’ONU une force d’interposition de maintien de la paix à la frontière comme elle eut existé dans d’autres conflits ?

3) Pourquoi le gouvernement israélien rétorque avec une telle démesure aux roquettes du Hamas si celles-ci seraient interceptées (pour la plupart) par le bouclier anti-missile israélien nommé « Dôme de fer » et ne ferait au 15 juillet aucun mort ? Pourquoi en faire autant contre une menace maîtrisée? Que veut réellement Netanyahou? A-t-il des objectifs religieux, idéologiques, expansionnistes, économiques, énergétiques, géopolitiques, géostratégiques, de politiques intérieures, électoralistes...?

4) Pourquoi le gouvernement israélien décrète un cessez-le-feu de façon unilatérale, sans contrepartie sur laquelle pourrait s’appuyer le Hamas pour dire oui, si ce n’est pour anticiper son futur non-respect par l'organisation palestinienne afin de légitimer la poursuite de l’intervention militaire ? Cette idée de cessez-le-feu perdue d’avance, comment se fait-il qu’elle émane du gouvernement égyptien ? Que veut réellement le gouvernement égyptien ? A-t-il des objectifs idéologiques, économiques, énergétiques, géopolitiques, géostratégiques, de politiques intérieures...?

5) Pourquoi le Hamas continue-t-il à lancer des roquettes si celles-ci n’ont aucune efficacité ? En effet, elles sont soit interceptées par le bouclier de l’armée de Tsahal, soit finissent dans des champs en Israël, soit pire s'écrasent parfois dans la bande de Gaza et tuent ses propres civils palestiniens... Ainsi, pourquoi donner à l’adversaire le seul argument utilisé aujourd'hui dans leur discours si celui-ci est inefficace et débouche sur une riposte meurtrière ? Que veut réellement le Hamas ? Irait-il jusqu'à sacrifier son propre peuple pour la pérennité de son combat? Ou alors, qui sont réellement les lanceurs de roquettes ? Peut-on supposer que le gouvernement israélien décompte des tirs imaginaires venant grossir le nombre de ceux réellement tiré par le Hamas, puis s’en suit une "revendication" de l'organisation palestinienne automatique et bienvenue car elle prouverait une certaine force de frappe auprès de leurs populations? Tout le monde serait « gagnant » n’est-ce pas ? Hormis en bout-de-chaîne les civils palestiniens bien sûr…

6) Sachant qu’Israël ne viendra à bout du Hamas qu’en faisant disparaître la désespérance qui a fait le succès social et électoral de cette organisation, pourquoi ne laisse-t-il pas se faire un État palestinien qui éliminerait de facto deux causes majeures de cette désespérance: le sentiment d’injustice de ne pas avoir de patrie et la misère socio-économique due au blocus à Gaza ? Ainsi, la force du Hamas aujourd'hui n’est-elle pas le produit indirect du choix du gouvernement israélien de ne pas régler (unilatéralement ou non) ce conflit?

7) Imaginez un président américain courageux, persévérant et faisant preuve d’une certaine virilité face à un de ses alliés. Un président qui irait au-delà de ses intérêts électoralistes, au-delà d’une lecture géostratégique à court terme dictée par des généraux du Pentagone qui s’amusent au jeu de société «Risk» à taille réelle. Imaginez que ce président américain réussisse ainsi à "sécuriser" Israël (même si ce dernier ne voulait pas de son intervention au départ). Ne rendrait-il pas l’Occident et les États-Unis populaires dans le monde arabe et ne porterait-il pas ainsi le coup le plus rude aux actes terroristes émanant d’extrémistes islamistes ? Bien plus efficace que toutes les lois «anti-terroristes» liberticides votées au Congrès américain n’est-ce pas ?

8) Prenant en compte la force militaire et l’immunité politique internationale dont jouit le gouvernement israélien, la posture partiale du gouvernement américain, les errements d’une position européenne commune, le silence «double-jeu» des gouvernements voisins arabes, l’impuissance et le manque de moyen palestinien, la seule solution ne découlerait-elle pas de la société civile israélienne elle-même? Ainsi, amalgamer Israël, gouvernement israélien, Israéliens, juifs, sionistes pour dire la même chose (peu importe la légitimité de ces interrelations ou interconnexions) ne fait-il pas le jeu des partis ultra-nationalistes au pouvoir en Israël? "Regardez comme ils nous qualifient, ouvrez les yeux!", diront-ils aux Israéliens modérés. En effet, au lieu de donner du grain à moudre à ceux qui entretiennent une psychose interne à la société civile israélienne, ne devrait-on pas jeter des ponts vers ces Israéliens (politiques, intellectuels, citoyens) qui constituent et défendent lucidement le camp de la Paix ? Ainsi, comment faire pour s’adresser directement à ces citoyens israéliens de bonne volonté, marginalisés, espèce en voie de disparition et amplifier leurs paroles? Republier leurs écrits, leur tendre le micro, les financer? Dans le but que la société civile israélienne dans sa majorité se détourne des idées de partis politiques belliqueux jusqu'au-boutistes.

9) Comment se fait-il que l’État israélien a réussi à influer sur les opinions publiques occidentales et sur les moyens de production de celles-ci, mais que les États occidentaux n'arrivent pas à pousser une majorité de l'électorat israélien vers des partis politiques prônant la paix ? Comment faire en sorte de provoquer l'alternance politique en Israël par des pressions extérieures? Financement d'associations dans le but de promotion d'idées pacifistes, boycott économique, culturel et sportif, etc.? Des méthodes vues et revues au XXème siècle, par exemple dans la lutte contre le régime d'Apartheid en Afrique du Sud…

10) Finalement, vu l’asymétrie des forces militaires et du nombre de morts de civils, toute position neutre émanant d’un individu, d’un média, d'un gouvernement occidental ou oriental ne représente-t-elle pas d’office une approbation du statu quo ? Et donc par conséquent ne constitue-t-elle pas un soutien à la continuité d’un véritable carnage à Gaza et à la poursuite de la colonisation en Cisjordanie? Ne pas condamner, n'est-ce pas cautionner ? Cautionner, n'est-ce pas être complice?

Maintenant, à chacun de «trouver» les réponses à ces 10 questionnements (rhétoriques le plus souvent) ou d'en trouver de nouvelles, de condamner sans réserve l’action disproportionnée et injustifiée du gouvernement israélien et d’agir à sa mesure de façon réfléchie afin de stopper cette boucherie.

Nour El Mesbahi

P.S: A ceux qui seraient tentés de scruter et pointer dans chaque question, dans chaque mot, dans chaque virgule les traces coupables d'une partialité dès le départ de l'auteur, dans le but de me les signaler par la suite, passez votre chemin, je n'ai pas le temps pour ça. Tout autant ceux qui cherchent à savoir qui a commencé le premier dans ce conflit, qui a "jeté la première pierre" au Proche-Orient si vous me permettez l'expression. Cette historisation des événements ne ferait en rien avancer le Schmilblick et nous ferait remonter à Moïse, Abraham... Par contre, pour ceux qui veulent ajouter des questionnements à cette liste, faire part de remarques sur le fond sur l'une d'entre elles ou sur le conflit en général, vous êtes sincèrement le bienvenu en commentaires.

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